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Bravo, « Elle » ! Ou de l’autocritique d’un média

L’hebdomadaire féminin Elle a publié le 13 janvier un grand article de mode consacré pour l’essentiel à des tendances observées outre-Atlantique chez les topmodèles afro-américaines. « Black fashion power » provoque bientôt un buzz sur Internet, un billet courroucé à France Inter d’Audrey Pulvar (Y’a bon Obamania), suivi d’une tribune-pétition sur lemonde.fr (31 janvier).

Entretemps, Valérie Toranian, directrice de la rédaction de Elle, fait retirer l’article du site Elle.fr et vient donner la réplique à la chroniqueuse sur Canal + (27 janvier) : elle regrette d’avoir pu choquer, affirme que l’article était « bienveillant » et qu’on ne peut soupçonner son journal de racisme.

L’article en question a-t-il donc des « relents racistes » comme l’affirment certains ? Ou est-ce que les faits relatés sont au contraire un « éloge » ? « Ce retour au style constitue pour la communauté noire une source de dignité », déclare par exemple un journaliste du New York Times cité par la rédactrice, Nathalie Dolivo. Comme tout article de mode, il se présente d’abord comme un exercice de style, à grand renfort de jargon spécialisé et « branché ». La tonalité de l’ensemble paraît indubitablement positive. Du moins pour l’auteur de ce billet, qui n’est ni noir ni femme…

Sa teneur justifiait-elle les divers noms d’oiseaux dont il a été affublé sur France Inter : « bêtise », « inanité », « papier de merde »… ? L’important n’est pas là, mais dans le fait qu’un certain nombre de personnes ont pu être heurtées par son contenu. Car l’écriture est une chose, le « ressenti » d’un texte, sa lecture, en est une autre. Les deux subjectivités ne sont pas forcément à l’unisson.

Dans son éditorial du 3 février, Valérie Toranian présente ses excuses à ses lectrices. Elle s’était déjà réjouie que « le débat ait été lancé », expliquant : « il va nous permettre d’enrichir notre travail journalistique ». Promesse tenue dès le 10 février avec un dossier de quatre pages : « Diversité. Pourquoi les stéréotypes ont la vie dure ? » Il fait s’exprimer diverses opinions, dont, avec élégance, Audrey Pulvar. Prendre en compte les réactions de son public, en tirer les leçons et en profiter pour  approfondir un sujet : bravo, Elle !

Yves Agnès

Article publié dans le  bulletin n°14.

Le parrainage pollue-t-il l’info?

Bien des codes ou chartes déontologiques incitent à se méfier des liaisons parfois dangereuses entre information et publicité : proximité d’une annonce et d’un texte faisant référence à l’annonceur ; images fournies par un service de communication ou mettant en scène sans le dire des employés d’une entreprise ; publi-reportage mal signalé; article reprenant purement et simplement un communiqué de presse ; supplément (ou émission spéciale) à thème financé par des publicités ou par le parrainage d’une entreprise, d’une administration, d’une organisation, etc.

« En collaboration avec le groupe de recherche… »

L’actualité nous en donne un exemple avec le magazine scientifique X. La livraison de décembre 2010 a été accompagnée d’un cahier spécial de 24 pages consacrée à une « réflexion » sur le corps et le soin. A la « une », le logo du magazine en tête, celui d’un laboratoire pharmaceutique en pied – le scandale du Médiator est déjà entré dans sa phase la plus médiatisée.

L’« ours » de la page 2 indique en petits caractères que ce cahier spécial « a été élaboré avec la collaboration du Groupe de Recherche Y ». Les pages sont foliotées avec la mention Y/X. Les pages centrales (12-13) sont consacrées à un entretien avec le fondateur du laboratoire Y, qui porte son nom. Le cahier ne précise pas que le groupe Y a été condamné plusieurs fois à verser des dommages et intérêts à des patients ayant utilisé ses produits, qu’il fait actuellement l’objet de poursuites, informations essentielles qui auraient sans doute figuré dans un article totalement indépendant.

Dans ce cas comme dans mille, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur ce type de supplément, parfaitement légitime, pas plus que sur une émission de radio ou de télévision parrainée par une marque. Les médias vivent pour la plupart de « la bienfaisante publicité » comme le disait le fondateur du Monde, Hubert Beuve-Méry.

Entre pub « bienfaisante » et suspicion en légitimité et crédibilité

Mais deux questions peuvent être posées. La première : le lecteur (l’auditeur, le téléspectateur) est-il suffisamment et clairement averti que l’information qu’on lui livre est le résultat d’un parrainage ou d’un partenariat ? La seconde : le média et les journalistes assument-ils la responsabilité totale du contenu informatif et celui-ci est-il ou non influencé par le « sponsor » ? Dans le cas cité à titre d’exemple, la « collaboration » du laboratoire peut-elle être interprétée comme une co-paternité des articles, ce que tendrait à indiquer les folios ? Sur ces deux questions, c’est d’abord au public et aux journalistes d’apporter des réponses.

On notera pourtant que la question du parrainage, et plus généralement des transfusions osmotiques entre publicité et information, est suffisamment préoccupante pour que les dispositifs chargés de veiller à la déontologie de l’information, lorsqu’ils existent, s’en préoccupent. Car dès qu’il y a « collaboration » avec une source d’information, n’y a-t-il pas suspicion en légitimité et en crédibilité du journaliste et du média ? C’est pourquoi, par exemple, la charte de l’antenne de France Télévisions a défini précisément les conditions du parrainage (voir http://charte.francetv.fr/). Et le Conseil supérieur de l’audiovisuel sanctionne la « publicité clandestine ».

« Une claire distinction est essentielle »

Le Conseil suisse de la presse avait été saisi en 2006 par l’association de journalistes « Info en danger » sur « les dérives qui affectent l’activité des journalistes, notamment face aux annonceurs ». Après un long examen, ponctué d’auditions, le conseil avait pris position le 9 février 2007 (voir http://www.presserat.ch/). Il a estimé notamment qu’« une claire distinction entre contenu rédactionnel et publicité est essentielle pour la crédibilité des médias, quel que soit l’état des rapports de force entre éditeurs et annonceurs ».

Les principes sont connus. Dans la pratique, la vigilance du public, celle des éditeurs et des journalistes est sûrement souhaitable. Un conseil d’éthique et de médiation à la française aurait certainement à traiter de cette vaste question.

Yves Agnès, in Le Bulletin de l’APCP n°4

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