C’est la guéguerre à Béziers (Hérault) entre le nouveau maire Robert Ménard (indépendant soutenu par le Front national) et le quotidien régional Midi libre. « Robert sans frontières », comme l’appelaient amicalement naguère ses confrères journalistes, aurait-il oublié ses années de militantisme, lorsqu’il fondait et dirigeait RSF, organisation dédiée à la défense de la liberté d’expression et d’information ?
Le maire multiplie reproches virulents et droits de réponse, il dépose plainte en diffamation. En cause, semble-t-il, des chiffres contestés de manifestants, des « erreurs, inexactitudes, à-peu-près » dans les articles consacrés à l’action de la nouvelle équipe, une trop grande place accordée à l’opposition…Reproches ponctués de réponses musclées sur Twitter ou dans le journal municipal. Comme ce titre en juillet 2014 : « Minuit libre. Quand la nuit s’abat sur le journalisme ». Ou comme la publication du nom et de la photo de l’un des journalistes, particulièrement visé… Le quotidien finit par réagir vigoureusement dans ses colonnes le 3 avril 2015, évoquant une « méthode Ménard » « qui rappelle des heures sombres », et la section locale du Syndicat national des journalistes prend position le lendemain. Les journalistes réaffirment leur souci d’une information libre, et dénoncent la propagande de la mairie.
Un virage à 180°
Les tensions entre journalistes et édiles territoriaux sont relativement fréquentes. De nombreux maires, notamment, se plaignent de ce que leur action n’est pas comprise, que la part faite à l’opposition est trop belle, etc. Beaucoup souhaitent une sorte de « droit de réplique » quasiment automatique. Peu, heureusement, se livrent à des attaques de cette nature. Notons toutefois que le maire (UDI) de Cholet (Maine-et-Loire) a traité le 16 mars une journaliste de Libération de « pétasse » devant l’assemblée de sa communauté de communes. Pas très élégant.
Dans le cas de l’impétueux Robert Ménard – dont nous avons ici même salué le combat pour la liberté d’expression et le « politiquement incorrect » dans son ancienne revue Médias (voir Le Bulletin de l’APCP n° 19, juillet 2012) -, le virage opéré à 180° depuis que le suffrage universel l’a fait maire est simplement ahurissant. On peut contester un journal ou un journaliste en respectant leur travail essentiel et leur indépendance. La démocratie bien comprise oblige au respect du rôle de contre-pouvoir des médias. Evidemment, si le poste de médiateur de presse à Midi libre n’avait pas été supprimé en 2008, et surtout si une instance nationale existait en France, ce type de tensions, normal, trouverait rapidement sa solution. Au regard de l’éthique de l’information, pas de la propagande. Bien sûr. Yves Agnès
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