Archive pour le Tag 'Marie Sirinelli'

Conseil de presse : l’omerta médiatique

L’absence d’informations sur la déontologie de l’information empêche un véritable débat public. Un responsable politique, acquis à l’intérêt de créer en France une instance indépendante de déontologie de l’information, déplorait voici deux ans déjà l’absence d’un mouvement d’opinion net en sa faveur, qui puisse convaincre les professionnels et le gouvernement d’unir leurs forces pour y parvenir. La principale cause est qu’il existe une quasi omerta médiatique sur le sujet, même lorsque l’actualité y pousse. Le concept même est donc quasi inconnu de la plupart de nos concitoyens, ainsi que l’existence dans le monde et en Europe de telles instances. Pourquoi les médias français – écrits, audiovisuels, en ligne – sont-ils si discrets ? Plusieurs raisons y concourent, pas très convaincantes.

La première raison est que les journalistes et leurs dirigeants n’aiment pas la critique. Contrairement à de nombreux pays, où le respect dû au public et la responsabilité à son égard est consubstantiel de la liberté de l’information, la tradition en France – le journalisme y est issu de la politique et de la littérature – met le journaliste sur un piédestal. D’autant qu’a longtemps prévalu l’idée qu’il ne pouvait être jugé que par ses pairs, comme en atteste par exemple la déclaration des devoirs professionnels du Syndicat national des journalistes, dans sa version de 1938, comme dans celle de 2011*. Trop de journalistes se considèrent encore comme « intouchables ». Un reproche qui leur est fréquemment adressé par des lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs dans les débats publics. Pour certains, observer collectivement les manquements à la déontologie, prôner une instance dédiée à ce travail, est attentatoire à leur « liberté ». C’est le cas notamment parmi des journalistes et médias influents et classés idéologiquement à gauche.

L’absence d’une large information sur la déontologie du journalisme tient aussi au fait que la plupart des rubriques de journaux et émissions de radiotélévision consacrées à l’actualité des médias sont orientées seulement désormais sur l’économie, la technologie et les « people ». Leur champ était plus large lorsqu’elles ont vu le jour au début des années 1980. Il semblerait qu’aujourd’hui les journalistes ne s’intéressent plus guère au rôle capital joué par les médias d’information dans la société du XXIème siècle. A l’heure d’Internet. Pourtant, on le sait, le public est très demandeur de ces informations, les enquêtes confirment les observations que chacun peut faire.

On nous a parfois fait valoir dans des rédactions qu’il « fallait un événement » pour que les médias puissent parler de la qualité de l’information et des moyens pour l’assurer. Si l’événement est bien, comme tous les journalistes le savent, un fait nouveau, d’intérêt public et significatif dans la société, alors il n’en manque pas. Certes, aucun scandale médiatique de l’ampleur de l’affaire d’Outreau (2000-2005) n’est venu heureusement, depuis dix ans, éclabousser les professionnels de l’information. Mais les manquements à l’éthique professionnelle sont permanents, et il ne manque pas d’occasion de s’interroger et de rendre compte : nombreuses manifestations publiques, locales ou à portée nationale**; remise au gouvernement en février 2014 du rapport de Marie Sirinelli sur la question ; actualité de l’Union européenne (Commission, Parlement) ; événements dramatiques de janvier 2015 qui ont mis en lumière la pertinence et l’urgence d’une telle idée… les événements sont là. Mais l’intérêt des journalistes, souvent guidés par des préjugés, l’est-il ? Ainsi le responsable de la rubrique « médias » d’un quotidien national nous disait-il voici quelques années que, oui, un conseil de presse était une bonne idée, mais que « cela ne se ferait jamais ». Quand la boule de cristal tient lieu de professionnalisme…

Il faut évidemment compter aussi avec l’hostilité, incompréhensible à nos yeux puisque strictement française, de nombre de dirigeants de médias, particulièrement dans certaines organisations patronales de presse écrite. Leur opposition de principe est telle que deux syndicats de quotidiens ont pu mener parmi leurs mandants une opération de désinformation de belle facture (voir Le Bulletin de l’APCP nos 46 et 47). Des consignes sont-elles données dans les rédactions d’occulter ce dossier ? Il est légitime de poser la question.

Le résultat est un silence qui ne bénéficie ni aux citoyens, ni aux professionnels, journalistes et éditeurs de tous médias. Les premiers n’ont pas droit à des informations qui les concernent directement. Les seconds ne peuvent engranger les bénéfices qu’ils tireraient de la création d’une instance indépendante de déontologie de l’information. Et le débat public sur le rôle de l’information dans la société en pâtit. Yves AGNÈS


*En contradiction, notons-le, avec l’engagement du SNJ depuis octobre 2012 en faveur d’une instance nationale de déontologie comprenant des représentants du public. **Les Assises du journalisme sont de celles-là ; l’APCP a elle-même organisé des colloques en 2009 et 2013, mais aussi bien d’autres organisations.

Après la publication du rapport Sirinelli, l’ODI appelle les professionnels de l’information et les associations citoyennes à le rejoindre

L’Observatoire de la déontologie de l’information félicite Marie Sirinelli pour la grande qualité du rapport qu’elle a remis à Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.Le titre en lui-même est un programme : « Autorégulation de l’information : comment incarner la déontologie ? »
L’ODI tient à souligner deux passages de ce rapport.
La présentation qui en est faite parmi les formes d’autorégulation à privilégier, page 45 : « Ainsi, l’émergence d’une nouvelle instance, plus ou moins rattachable au modèle du conseil de presse, demeure-t-elle un sujet de divisions. On peut toutefois observer que le sentiment général de la plupart des interlocuteurs rencontrés est beaucoup moins contrasté s’agissant des activités de l’ODI. La démarche de l’observatoire ne semble pas, en effet, rencontrer d’opposition ouverte, voir suscite l’intérêt des journalistes (SNJ-CGT) comme des représentants de la société civile. L’existence d’un observatoire de la déontologie paraît ainsi faire relativement consensus, plusieurs organisations soulignant l’utilité de disposer d’un lieu de débat et de réflexion transversal sur le sujet, pour les journalistes comme pour les éditeurs (CFE-CGC, GESTE et SPIIL), à condition que le travail de l’instance ne se limite pas à un rôle de critique des médias (FNPS).»
La proposition de renforcement de l’outil présentée dans les conclusions du rapport, page 59 : « Un développement de l’ODI, pouvant s’accompagner de la création d’un rendez-vous périodique de débats qui, sur le modèle des Assises internationales du Journalisme – mais spécialement dédié aux questions déontologiques -, pourrait intervenir au moment de la remise annuelle du rapport de l’association. Sans devenir une instance de traitement de plaintes, l’observatoire pourrait toutefois, comme il le fait déjà dans une certaine mesure, organiser son travail autour d’un système d’alertes, éventuellement formulées par le public, directement ou par l’intermédiaire de médiateurs ou d’associations. »
Les missions d’un ODI « développé » telles que définies dans le rapport sont en parfait accord avec les statuts de l’association.
L’Observatoire de la déontologie de l’information se félicite de poursuivre ses travaux dans ce contexte où le sentiment d’une nécessaire réflexion sur la qualité, et notamment la déontologie de l’information, est de plus en plus partagé. L’association va ainsi continuer d’apporter ses contributions de veille, d’analyse, de recensement et d’apport pédagogique, pour endiguer les difficultés de la presse.
Convaincu, depuis sa création, de l’importance de la participation de tous les professionnels et des non-professionnels, l’Observatoire de la déontologie de l’information s’est constitué dès le départ en association tripartite. Cette volonté s’est concrétisée dans la composition du bureau élu de l’association avec des représentants de tous les acteurs impliqués . Voir le Bureau de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information
L’ODI appelle donc tous les professionnels de l’information, notamment les fédérations et syndicats représentatifs des éditeurs et des journalistes, ainsi que les associations citoyennes, à le rejoindre
L’ODI lance un appel aux « mécènes » susceptibles d’assurer à l’Observatoire le financement nécessaire de ses activités
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Contacts : Patrick Eveno, président, 90, rue du faubourg Saint-Martin, 75010 Paris 01 42 08 52 17 – 06 16 26 81 84 peveno@wanadoo.fr ——Manola Gardez, secrétaire, 06 82 35 14 03, manolag@gmail.com ——-Siège social : c/o FFAP, 24 rue du faubourg Poissonnière, 75010 Paris – N° : W751219191




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