La première des raisons qui militent en faveur de la création d’une instance nationale indépendante de déontologie de l’information est de combler le fossé qui s’est creusé et élargi entre les citoyens consommateurs d’information et leurs médias. Ce fossé est, en France, particulièrement profond, aucune réponse n’ayant été apportée depuis des décennies à une demande récurrente de « redresser la barre ».
Un futur conseil de presse, pour être efficace et consensuel, doit donc associer ce public. Créée au départ par une dizaine de journalistes, notre association s’est du reste immédiatement ouverte, accueillant notamment des experts, des personnes et des organisations (comme « Enjeux e-médias » créée par des mouvements laïques pu la Confédération nationale des associations familiales catholiques) qui veulent que leur voix soit entendue, que médias et citoyens jettent ensemble les bases de rapports apaisés.
Mais il y a plus. Avec Internet et les réseaux sociaux, le mode de relations entre médias et public s’est transformé, de manière irréversible peut-on augurer. Non seulement une partie du public réagit, fait connaître en permanence sa satisfaction ou sa désapprobation, mais il influe sur le comportement des rédactions (on peut s’en réjouir ou le regretter) et participe de plus en plus à la fabrication même de l’information. L’exclure serait totalement anachronique et improductif.
Le « jugement des pairs » ne se justifie plus
Les éditeurs de média et les journalistes ont toutefois de la difficulté à admettre ce changement. Un média a toujours été et reste, en effet, une « offre éditoriale » à laquelle une partie du public adhère si elle lui convient, ou s’en désintéresse. L’éditeur du média et sa rédaction ont donc, nolens volens, un sentiment fort de propriété, quoi qu’inapproprié et souvent inavoué.
C’est sans doute pourquoi la profession a longtemps préconisé – sans le mettre en œuvre – un « jugement des pairs », lorsque les « bonnes pratiques » journalistiques sont enfreintes. Une telle notion paraît aujourd’hui largement obsolète. Les éditeurs seraient bien inspirés de ne pas se considérer les seuls juges et arbitres de la déontologie ; et les organisations de journalistes de rayer l’expression de leur vocabulaire… Il convient désormais, au contraire, de faire au public une juste place. Un strapontin ne serait pas convenable. Y.A.
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