Les débats organisés le 13 juin à la Sorbonne par l’APCP et Les Assisses du journalisme sur le thème « Créer une instance de déontologie, pourquoi ? comment ? » ont enregistré des avancées majeures vers la création d’un Conseil de Presse en France. L’analyse du président de l’APCP, Yves Agnès.
Si l’on en croit le secrétaire général du Conseil de Déontologie Journalistique de Belgique francophone, André Linard, la création d’une instance de ce type nécessite l’accord de la profession et une volonté politique consensuelle (lire notre bulletin page 6). Lorsque l’APCP s’est créée fin 2006, nous en étions aux antipodes ! L’existence d’un grand nombre de conseils de presse à l’étranger était inconnue, y compris parmi les dirigeants politiques.

Yves Agnès (Photo Charlotte Bouvier)
C’était l’époque où des professionnels de premier plan vouaient aux gémonies un « conseil de l’ordre », une « police déontologique »… Où un journaliste du Monde pouvait affirmer péremptoirement que c’était une idée intéressante mais que « ça ne se fera jamais ». Oubliant au passage l’une des leçons d’un ancien grand directeur de ce quotidien, le regretté André Fontaine : « il ne faut jamais dire jamais ».
L’après-midi du 13 juin à la Sorbonne (1) a peut-être donné tort à ce « prédictionniste ». Les politiques, PS en tête, ont compris que la situation malsaine de nos médias et de l’information qu’ils diffusent est un danger pour la démocratie. Les journalistes, en tout cas leurs principaux syndicats, représentant près des neuf dixièmes d’entre eux, sont aujourd’hui engagés vers la création d’un organe de co-régulation profession / public, ou n’en refusent plus le principe, comme c’était encore le cas naguère.
Restent les éditeurs, plus que jamais divisés et repliés sur leurs catégories, voire leur « marque », selon le vocable en usage parmi eux. En 2008, une cinquantaine de personnalités des médias s’étaient engagées dans l’Appel que nous avions lancé (déjà avec Journalisme et Citoyenneté, organisateur des Assises du journalisme) en faveur d’une charte et d’une instance commune à tous les médias et tous les journalistes. Des personnalités comme Louis Dreyfus ou Laurent Joffrin n’hésitent pas non plus en 2013 à signifier publiquement leur accord. Mais leurs organisations syndicales ont bien de la peine à franchir le pas et à rejoindre celles qui ont compris l’enjeu vital d’une telle création.
Convaincre les partisans de l’immobilisme qu’ils n’on rien à perdre et tout à gagner ; que le « chacun pour soi » est suicidaire ; que ne rien faire collectivement pour signifier à leurs publics (dont la méfiance critique atteint des records) qu’ils ont été écoutés et entendus, procède d’un déni de réalité ; que l’avenir des médias professionnels se joue aujourd’hui, non pas titre par titre mais globalement… la tâche est urgente !
Les politiques peuvent y aider, majorité et oppositions confondues ; sur un tel sujet, comme ce fut le cas en 1935 pour le statut des journalistes, l’unanimité est requise. Nous attendons d’eux, en particulier du gouvernement, qu’ils jouent les facilitateurs. C’est ce qui s’est passé en Belgique francophone, lorsque la ministre de la communication, Fadila Laanan, a mis l’énergie qu’il fallait pour arriver aux solutions acceptables par tous et mettre d’accord les divers acteurs. Le mouvement est lancé. Y.A.
(1) Plus de 200 personnes s’étaient inscrites, la moitié sont venues participer, outre la vingtaine d’intervenants ; le premier colloque de l’APCP en juin 2009 à la Maison de la Radio avait rassemblé environ 70 personnes tout compris.
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