Le courrier des téléspectateurs n’a pas valeur de sondage. Mais les lettres adressées au médiateur d’une grande chaîne donnent une idée de la perception qu’a le public de la façon dont il est informé. Le rapport 2014 publié par le médiateur de France 2, Nicolas Jacobs, l’illustre.
Tout ce qui est pointé ne relève pas de la déontologie du journalisme. Plus souvent de la ligne éditoriale exprimée dans le choix des sujets et leur hiérarchie. Mais cela doit donner à réfléchir aux journalistes, assimilés aux « élites » largement rejetées, jugés trop friands de sujets sur « les riches » et finalement peu curieux d’idées neuves. Le rappel à l’ordre déontologique du public est argumenté et parfois cinglant.
La demande d’exactitude sur les mots employés (assassinat plutôt qu’exécution pour les mises à mort d’otages en Syrie, terroristes plutôt que djihadiste) n’est pas que polémique, celle de mise en perspective d’un mouvement social en expliquant ses causes autant qu’en présentant ses effets n’est pas qu’idéologique. Les erreurs de faits (chiffres, données géographiques etc.) décrédibilisent toute une équipe, comme l’exprime ce message: « L’île de Groix est située par le 20h « au large du Finistère »… Groix est en fait proche de Lorient, dans le Morbihan. Et vous voulez qu’on vous croie quand vous parlez de l’Ukraine. Cela signifie que si vous dites des conneries là, vous en dites ailleurs sur des sujets que je ne connais pas ».
La pertinence éditoriale de certaines pratiques est interrogée, et on rejoint le questionnement éthique sur la dualité contenu informatif / spectacle. « Micros-trottoirs et plateaux en situation, dont la seule vertu est de marquer la présence de la chaîne, sont assimilés au niveau zéro du métier » écrit Nicolas Jacobs en exergue de citations qui brocardent l’usage immodéré de ces pis allers. Les défilés de tweets au bas de l’écran pendant les émissions sont rejetés. Ils n’apportent pas « une vraie valeur ajoutée au débat » qui se déroule en plateau, perturbent la compréhension des interventions et surtout, pointe un courriel repris par le médiateur dans son rapport « le choix de leur diffusion peut orienter notre jugement ».
Le journalisme se doit de refléter la complexité des situations et des points de vue. « L’équation télévision = establishment + pensée unique est régulièrement démontrée par les téléspectateurs. Où sont les points de vue alternatifs ? » interroge Nicolas Jacobs qui déplore que des « idées neuves (subversives !) » ne puissent « batifoler dans la champ médiatique » . Ce qu’un de ses correspondants exprime par un slogan jugé par lui efficace et recevable : laissez vivre les idées nouvelles ! PG
Commentaires récents