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Déontologie de l’information : la supériorité d’un conseil de presse sur le CSA

Les interventions intempestives, le 11 février 2015, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, auprès de seize chaînes de radiotélévision, la plupart pour des manquements à « l’ordre public », ont provoqué de vives réactions à l’égard du « gendarme de l’audiovisuel » (voir Le bulletin de l’APCP n° 45, mars 2015). Ses 36 décisions de mise en garde et mise en demeure sont en effet à comparer avec les 10 décisions de même nature pour l’ensemble de l’année 2014, dont 7 seulement pour des émissions d’information et 3 pour d’autres programmes (voir à propos du  rapport 2014 du CSA ).

Ces décisions ne sont toutefois pas le fruit du hasard, y compris au regard des événements exceptionnels de début janvier. Nous avons déjà alerté les professionnels et les pouvoirs publics sur les ambitions et l’expansionnisme du CSA, qui vise à étendre son pouvoir de régulation administrative et politique à l’ensemble des médias. Aussi est-il opportun de s’interroger à nouveau sur sa légitimité à intervenir en matière de déontologie de l’information, à travers plusieurs questions.

Pourquoi les chaînes acceptent-elles la tutelle du CSA en matière de déontologie ? Elles n’ont pas le choix, en l’état actuel des choses la législation les y oblige. Le CSA possède de plus une « arme de dissuasion massive » : c’est lui qui attribue les autorisations d’émettre et leur reconduction, en même temps qu’il est chargé de faire respecter les lois en vigueur et « l’honnêteté » de l’information ». Ces autorisations passent par la signature de conventions (chaînes privées) ou cahiers des charges (chaînes publiques), dans lesquels il a introduit à partir de 1997 des règles à caractère déontologique. Soigner les rapports avec l’instance n’est pas seulement une question de morale professionnelle, c’est une nécessité administrative…

Le CSA peut-il être juge des contenus informatifs ? C’est toute la question d’une instance administrative, nommée par le pouvoir politique, qui est à la fois régulateur économique et chargé de faire respecter les bonnes pratiques en matière d’information. Une telle confusion des missions pose problème.

Quelle est la légitimité du CSA en matière de déontologie ? Le CSA est comptable aux yeux de la loi du respect de « l’honnêteté de l’information ». Notion complexe, qui n’a été définie par aucun texte – législatif ou professionnel – s’imposant aux médias et aux journalistes. Et la déontologie est par définition un ensemble de règles de bonne conduite que se donnent les professionnels eux-mêmes. Le CSA s’est arrogé à partir de 1997 un pouvoir qui ne lui appartient pas. En outre, quelle profession peut accepter d’être jugée sur son travail par une instance nommée par les autorités politiques ?

Pourquoi deux poids et deux mesures (audiovisuel vs presse écrite et en ligne) ? Les lois de 1982 puis de 1986 ont réservé un sort particulier à l’audiovisuel, à côté de la loi fondatrice de 1881 sur la liberté de la presse. D’une part pour sortir « en douceur » d’un quasi monopole d’Etat depuis la seconde guerre mondiale. D’autre part pour introduire une régulation dans l’attribution des fréquences, qui ne sont pas illimitées et doivent faire droit au principe constitutionnel de pluralisme. Mais désormais, les contenus de toute nature étant disponibles sur Internet, cette dichotomie est absurde et anachronique. Que l’on régule administrativement les fréquences, soit, pour les contenus, la contradiction est flagrante avec la loi de 1881.

Quels sont les atouts d’une instance vraiment indépendante pour tous les médias ? Ils sont multiples et répondent à toutes ces interrogations. Car une instance de médiation et de déontologie de l’information (de type conseil de presse) :

  • n’est pas nommée par le pouvoir politique;
  • n’est pas une instance judiciaire ou administrative ;
  • est un lieu de concertation entre les professionnels et des représentants du public ;
  • concerne tous les médias ayant le statut d’éditeur d’information ;
  • peut être saisie par toute personne ou groupement, et ses interventions sont gratuites (le fonctionnement est assuré par la profession, souvent avec un subventionnement public) ;
  • agit aussi comme médiateur, pour aplanir les conflits ;
  • donne des avis, pas des sanctions ; faisant appel à la responsabilité individuelle et collective, elle aide, explique, encourage, montre la voie.

Sortir de la confusion et d’une situation anormale et inadaptée est un devoir pour tous les acteurs, médias, journalistes, société civile, pouvoirs publics. Compte tenu des incompréhensions et blocages persistants, ces derniers seraient bien inspirés de prendre une initiative. Y.A.

 

 

 

 

 


 

L’APCP écrit aux directeurs et responsables de rédaction de la presse régionale

Par une note de septembre 2014 « Contre la création d’un conseil de presse », adressée aux dirigeants des quotidiens régionaux et départementaux, l’Union de la presse en région (UPREG)* s’est livrée  à une désinformation grossière.  Nous y avons déjà répondu point par point – ici .  Compte tenu de l’importance du sujet, alors que la liberté d’information est en question et que les dérives déontologiques sont légion, l’APCP a adressé à tous les directeurs et responsables de rédaction de ces journaux une  lettre d’explications que nous rendons aujourd’hui publiquefichier pdf.
*L’UPREG est une structure patronale qui regroupe le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) et le Syndicat de la presse quotidienne départementale (SPQD)

Une note de l’Union de la presse en région désinforme sur les conseils de presse

Sobrement titré « Contre la création d’un Conseil de presse », une note interne de l’Union de la presse en région (UPREG, qui regroupe les deux syndicats des quotidiens régionaux et départementaux) circule dans les rédactions depuis octobre 2014. Elle affiche la couleur : la déontologie de l’information ne serait pas la même pour tous les médias et une instance nationale chargée de recevoir les plaintes du public serait néfaste. Elle fait référence à l’action de notre association.

Cette note comporte plus d’une douzaine d’assertions fausses, pratiquement toute la « démonstration ». Ce qui est le comble pour un texte où il n’est question que de déontologie. Qui peut avoir intérêt à cette attristante désinformation ?

Il convient donc de rétablir la vérité des faits pour que les membres de l’UPREG et les journalistes des quotidiens de province ne soient pas abusés. Ci dessous les assertions de cette note, et nos commentaires

1. « Chacune de ces initiatives[1] visait à rétablir une confiance supposée défaillante du public vis-à-vis des médias. » 

Avec l’adjectif « supposée », la base de l’argumentation en faveur d’une instance est mise en doute. Sauf que, année après année, les enquêtes d’opinion les plus sérieuses, de TNS-Sofres (pour La Croix), du CEVIPOF/Opinionway/CESE, ou de IPSOS-Steria (Pour Le Monde et France Inter), sont accablantes. La défiance à l’égard des médias atteint 77% dans ce dernier indicateur ; quant aux journaux, dans le dernier baromètre de La Croix, 58% seulement des Français les jugent fiables (63% pour la radio, 57% pour la télévision).

 2. « La création d’une instance de référence unique en matière de déontologie est antinomique avec le pluralisme des médias et leur crédibilité vis-à-vis du public. »

Tous les conseils de presse à l’étranger respectent et défendent le pluralisme de l’information. En France, ce pluralisme est un principe constitutionnel et on voit mal comment une instance indépendante pourrait le combattre. Quant à la crédibilité des médias et des journalistes, ressort de la confiance, c’est au contraire le but de tout conseil de presse, car il fait appel à la responsabilité de chacun, et ne distribue pas de sanctions.

3. « Considérer la nécessité du lien indispensable de la presse avec son public, entendu comme l’ensemble des citoyens, ne doit pas conduire à appréhender ce public comme un tout indissociable. En effet, cela ne pourrait qu’inciter à une discrimination de telle ou telle forme de presse, et à départir la bonne de la mauvaise presse, ou bien à réduire la question de la déontologie à une définition minimaliste. »

Les médias ne forment certes pas « un tout indissociable », mais un ensemble interactif, un « système médiatique » (décrit depuis des années par les sociologues), dans lequel le citoyen « consommateur d’information » se fournit à tous les rayons. En quoi cette observation de la réalité « pourrait inciter à discriminer bonne et mauvaise presse » ? Un conseil de presse porte un regard sur les faits, il ne prend pas en compte la nature du média. Quant à la déontologie, ses principes sont les mêmes dans tous les pays démocratiques et pour tous les médias, y compris en ligne. Il suffit pour cela de se référer aux nombreux codes nationaux.

4. « La déontologie journalistique est un élément essentiel et fondateur de l’identité d’un journal. Elle doit être ancrée dans la réalité du terrain et adaptée aux pratiques professionnelles pour respecter ce contrat de lecture. »

La déontologie de l’information n’est pas propre à un journal, à un média. Sa « ligne éditoriale », oui. Tout comme le code typographique est le même pour tous afin de faciliter la lecture, les règles déontologiques s’appliquent à tous et le public est à même de voir s’il y a manquement ou pas. Car l’attention au respect des règles communes de cette déontologie peut varier d’un média à l’autre. Toutes les formes de média sont concernées, les quotidiens de province compris.

5. « Vouloir définir des règles en matière de déontologie journalistique au niveau national et de façon uniforme ne peut que manquer cet objectif. »

Un tel propos conduit à la négation de tout code de bonne conduite affirmant les principes de la déontologie (et non leur application au cas par cas). Il condamne par avance le guide « Règles et usages » adopté comme un « engagement » des entreprises et des journalistes représentés par l’UPREG sur le plan « national » (et signalé à la fin de la note). Ce n’est donc pas le caractère national d’un recueil de règles de bonne conduite qui est en cause, mais le fait que la presse de province estime doit jouer sa partition seule. Contrairement, par exemple, aux recommandations des Etats généraux de la presse écrite (automne 2008), réunis sous l’égide de la présidence de la République.

6. « En outre, cela conduirait symboliquement à déposséder le directeur de la publication de sa responsabilité éditoriale et la rédaction d’une relation essentielle à son public, et constituerait une atteinte, au moins indirectement, à l’indépendance de chaque titre. »

Le directeur de la publication n’est en rien dépossédé par une instance qui émet des avis sur des informations après leur diffusion, la plupart du temps après la plainte d’une personne ou d’un groupe de personnes. La rédaction est libre de conduire comme elle l’entend les relations avec son public, ce n’est pas du domaine d’un conseil de presse. L’indépendance de chaque titre, de chaque média, et le nécessaire pluralisme n’ont jamais été mis en cause par des conseils de presse à l’étranger : ils sont au contraire les défenseurs de la liberté d’expression et d’information. C’est pourquoi l’Association européenne des éditeurs de journaux (European Newspaper Publisher’s Association) et l’organisation mondiale (WAN-IFRA) sont en faveur des conseils de presse.

7. « Loin de rétablir la confiance supposée mise à mal avec le public, la création d’un Conseil de presse ne pourrait au contraire que contribuer à éloigner le lecteur de son journal. »

Une instance indépendante qui reçoit les plaintes du public et émet des avis sur la véracité des informations et le respect des règles de conduite renforce au contraire, pour les médias qui s’en réclament, la relation public/média. C’est une sorte de « label » de qualité, le signe visible donné au public que l’on s’efforce de lui donner la meilleure information possible. Un conseil de presse agit au niveau national comme un médiateur au niveau d’un média, lorsqu’il joue efficacement son rôle : un interlocuteur pour le public, une aide pour les journalistes, et une boussole  pour tous.

8. « La constitution d’un Conseil de presse remettrait en cause les équilibres fondamentaux du droit de la presse. »

La déontologie n’interfère pas avec le droit de la presse, qui est ce qu’en décide le législateur. La déontologie concerne les règles de bonne conduite au-delà du respect du droit : par exemple la véracité de l’information, le respect des personnes, le refus des conflits d’intérêts, l’indépendance vis-à-vis des sources, la distinction entre information et publicité, etc. Un conseil de presse, structure indépendante, n’est pas un tribunal ou une juridiction associée au droit du travail. C’est un instrument de progrès pour les médias et de respect du public.

9. « Toute norme susceptible d’être édictée par un Conseil de Presse, qui plus est au fil de l’eau sans aucune garantie de prévisibilité pour les journalistes, ne pourrait qu’entrer en concurrence avec cet arsenal juridique, ou s’y ajouter, empiétant alors sur les espaces de liberté ménagés par la loi du 29 juillet 1881. »

Les « normes », c’est-à-dire les principes de la déontologie de l’information, sont définies par les professionnels eux-mêmes (éditeurs, agences, journalistes), car ce sont des principes de conduite professionnelle. C’est ainsi dans tous les métiers, en France comme ailleurs. Les conseils de presse sont amenés, par délégation des instances professionnelles qui y sont partie prenante, à remanier les codes en vigueur ou, s’il n’en existe pas (ou comme en France qu’aucun ne soit reconnu par tous) à en adopter un. Un conseil de presse ne saurait « édicter » quoi que ce soit. La confusion vient de ce qu’en France, pour les médias audiovisuels seuls, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, instance administrative « politique », s’est approprié la déontologie dans le vide existant. Chacun de bonne foi sait que l’APCP milite pour qu’il soit mis un terme à cette anomalie démocratique.

10. « Un Conseil de presse ne peut exister sans déstabiliser cet édifice et sans priver directeur de publication et journalistes du droit à un procès équitable. L’idée d’un Conseil de presse indépendant de toute institution judiciaire et dont les avis (ou sanctions) seraient insusceptibles d’interférer avec les décisions de justice est un leurre. »

Un conseil de presse tel que nous le proposons n’interfère pas dans les affaires judiciaires en cours. Le projet de conseil de presse de l’APCP ne prévoit pas de sanctions.

11. « La déontologie procède précisément de la loi et de la jurisprudence et constitue un élément essentiel de l’appréciation du juge dans un contentieux de presse. »

La déontologie ne procède pas de la loi, mais des professionnels eux-mêmes. Elle va plus loin que les règles fixées par le législateur, lesquelles concernent les abus à la liberté d’expression et de communication, comme l’indique l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) intégré au préambule de notre Constitution.

12. « Ainsi, le principe même d’une instance indépendante dédiée à la déontologie journalistique évoque-t-il l’idée selon laquelle les journalistes ne pourraient être jugés que par leurs pairs. »

Un conseil de presse tel que nous le proposons, et tel que des organisations patronales et de journalistes le proposent, n’est pas une instance corporatiste et ne fait aucunement référence au « jugement des pairs », notion apparue dans la charte du SNJ lors de son remaniement en 1938.  La présence du public évite cet écueil ; elle a reçu l’approbation du SNJ et de la CFDT. Le projet de l’APCP prévoit une représentation en trois tiers (éditeurs, journalistes, public).

13. « Ce positionnement revient à assimiler les journalistes à une profession indépendante, à refuser le principe même de ligne éditoriale définie sous l’autorité du Directeur de publication, et à inscrire cette profession dans une logique d’ordre professionnel, pourtant parfaitement incompatible avec la liberté de la Presse. »

C’est tout l’inverse. Un conseil de presse n’intervient pas sur la ligne éditoriale, comme il rejette les plaintes au sujet des commentaires ; il s’intéresse essentiellement aux faits diffusés par les médias ; il défend la liberté de la presse.

14. « Le sujet de la déontologie doit être pris en compte non pour servir les intérêts corporatistes d’une profession mais pour entretenir un échange permanent avec le public et les institutions sur les conditions pratiques d’exercice de la mission d’informer et les modalités de traitement de l’information en direction du citoyen. »

Excellente définition de l’objectif d’un conseil de presse. Nous invitons l’UPREG à nous rejoindre pour qu’il puisse être créé… Yves Agnès


[1] Le texte fait référence à la demande d’annexion à la convention collective des journalistes « des chartes existantes » (cette demande concerne les seuls syndicats de journalistes), aux discussions paritaires avortées sur un code « consensuel » en 2010-2011, à la proposition de loi du député UMP Jean-François Mancel en faveur d’une instance nationale de déontologie, non discutée au Parlement, et à la « valorisation de la déontologie dans les enseignements journalistiques ».

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