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La Haute Autorité de Santé prône la transparence et l’indépendance de la presse médicale

La Haute Autorité de Santé s’est saisie ces derniers mois d’une « réflexion sur la qualité de la presse médicale française ». Le rapport qui vient d’être publié sur ce thème ne porte pas de jugement sur l’existant, mais définit des « bonnes pratiques » qui sonnent comme autant de rappels à destinations des rédactions.

L’étude de la Haute Autorité de Santé est limitée aux périodiques majoritairement destinés aux médecins et aux professions de santé. On peut regretter qu’elle exclue les blogs, de plus en plus nombreux et influents sur ces questions. Le secteur étudié concerne, selon les chiffres de la Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse 342 titres en 20111. La HAS considère trois catégories de publications : les journaux d’information, les revues de formation, les revues de recherche académique. Les premiers sont tous plus ou moins dépendants de la publicité, les autres bien davantage de leurs abonnements. Selon cette enquête, les produits de santé, dont ceux de l’industrie pharmaceutique, représentent 92 %  du chiffre d’affaire des journaux d’information médicale acceptant de la publicité.

Porosité entre annonceurs et contenus

Pour ce qui concerne le respect de la déontologie du journalisme, la Haute Autorité de Santé déplore des « écarts vis-à-vis de certaines règles » tout en prenant soin d’écrire qu’ils sont peu fréquents mais indéniables. Et de citer la « porosité entre annonceurs et contenus, le caractère déséquilibré de l’information, l’absence de déclaration d’intérêts systématique des auteurs, l’absence de signature d’articles ». Exemple de porosité relevée : le choix des informations effectué « non pas en fonction de leur intérêt scientifique, mais selon l’importance du chiffre d’affaires généré par l’annonceur » ce qui peut conduite à «une censure des informations en provenance des non-annonceurs». Ou encore la « relecture et corrections d’articles par un industriel, imposées à la rédaction » parfois par la régie du journal.

Le plus habile étant ce qui est décrit comme le « glissement d’un article favorable [à un annonceur] depuis la rubrique d’actualités « thérapeutiques» (souvent gérée par la régie publicitaire et identifiée comme commerciale) vers les pages d’actualités « médicales », supposées indépendantes de toute pression, ce glissement étant imposé à la rédaction par la régie publicitaire du journal/revue ». Mais prudents, les auteurs soulignent encore une fois que « bien entendu ces exemples ne sont pas généralisables à toute la presse médicale »….

Les rapporteurs déplorent également que dans ce secteur aussi la « pensée unique » sévit, la « structuration hiérarchique verticale « mandarinale »  [ayant] longtemps favorisé ce type d’influence liée à la carrière et aux effets de notoriété ». Autres pratiques « problématiques » citées : la non-publication des études négatives, le plagiat, les erreurs et les absences de rectification, le défaut de citation des sources scientifiques.

19 propositions de bonnes pratiques

Le rapport cite des exemples de chartes éditoriales adoptées et publiées par des titres de la presse médicale en France. Il fait surtout une large place aux recommandations de l’association internationale des rédacteurs en chef des journaux médicaux (International Council of Medical Journals Editors) et au Code éthique des éditeurs de revues scientifiques (Cope) , aux critères de certification Health On the Net applicables aux sites internet santé, et à de très nombreuses autres grilles d’évaluation de la littérature scientifique, dont les règles peuvent inspirer les rédactions de la presse médicale ou des pages scientifiques de la presse grand public.

En s’appuyant sur ces textes et déclarations d’intention, la HAS fait en conclusions 19 propositions de bonnes pratiques – 7 d’entre elles ne concernent pas les journaux d’information mais uniquement les revues scientifiques. Les maîtres mots en sont transparence, indépendance et éthique éditoriales. Citons en trois : afficher « les liens d’intérêt de toute personne ayant une responsabilité dans le processus éditorial » et pour chaque article ceux « des auteurs ou des journalistes et des personnes interviewées » ; indiquer systématiquement les « sources de financement [quand un] article port[e] sur une recherche » ; respecter « l’indépendance par rapport à la publicité (…) pour  tous les textes publiés sous [un] titre, incluant les suppléments, numéros spéciaux et tirés-à-part »; enfin de signaler « [l]es informations en provenance des industries de produits de santé ». Si tout cela est respecté à la lettre, la lecture de la presse médicale va devenir passionnante même pour les non médecins ! P.G.

1 En 2009 la direction des médias du ministère de la Culture dénombrait  dans ce secteur 1 quotidien, 11 hebdomadaires, 115 mensuels et 240 bi ou tri mensuels, pour une diffusion totale d’environ 33 millions d’exemplaires et un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros.

le rapport de la Haute Autorité de Santé sur la presse médicale

« Gombo » à la française

Qu’est-ce que le « gombo » ? Une pratique répandue en Afrique centrale et de l’Ouest (Cameroun, Togo, Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire…). Sollicité par une source pour répercuter un événement ou une initiative, le journaliste – rattaché à un média ou indépendant – y met une condition : une rétribution directe, plus ou moins importante. Compte tenu de la grande faiblesse des rémunérations des journalistes dans ces pays, il est très difficile de lutter contre ce qui est devenu une coutume. Le « gombo » revient pourtant régulièrement dans tous les colloques et séminaires consacrés à la déontologie de l’information en Afrique, où il est considéré comme une entrave importante à une information de qualité.

Revenons en France, où une pratique proche semble s’instaurer dans la presse quotidienne régionale. De plusieurs côtés, il nous est revenu que certains titres pratiquent, sans pudeur, le « gombo ». Pas parmi les journalistes, mais à la direction et dans les services commerciaux des quotidiens. Lorsqu’un événement est annoncé dans la ville ou la région, ces entreprises proposent aux organisateurs que le journal soit rémunéré… s’ils veulent avoir droit à une « couverture » dans les colonnes ! En incluant la rémunération d’articles dans leurs budgets, ces organisateurs d’événement pourront avoir un écho médiatique. Sinon…

Ce chantage en forme de racket est-il répandu dans les régions et dans d’autres formes de média ? Est-il juste ? Est-il équitable ? Pourquoi les journalistes ne le dénoncent-ils pas ?  Rend-il crédible les médias qui s’y adonnent ? Les organisateurs qui acceptent le marché ont-ils conscience qu’ils desservent ainsi l’information impartiale du public ?

Il aurait été inconcevable naguère d’avoir à poser de telles questions. Aujourd’hui, il devient urgent de le faire. Y.A.

Le parrainage pollue-t-il l’info?

Bien des codes ou chartes déontologiques incitent à se méfier des liaisons parfois dangereuses entre information et publicité : proximité d’une annonce et d’un texte faisant référence à l’annonceur ; images fournies par un service de communication ou mettant en scène sans le dire des employés d’une entreprise ; publi-reportage mal signalé; article reprenant purement et simplement un communiqué de presse ; supplément (ou émission spéciale) à thème financé par des publicités ou par le parrainage d’une entreprise, d’une administration, d’une organisation, etc.

« En collaboration avec le groupe de recherche… »

L’actualité nous en donne un exemple avec le magazine scientifique X. La livraison de décembre 2010 a été accompagnée d’un cahier spécial de 24 pages consacrée à une « réflexion » sur le corps et le soin. A la « une », le logo du magazine en tête, celui d’un laboratoire pharmaceutique en pied – le scandale du Médiator est déjà entré dans sa phase la plus médiatisée.

L’« ours » de la page 2 indique en petits caractères que ce cahier spécial « a été élaboré avec la collaboration du Groupe de Recherche Y ». Les pages sont foliotées avec la mention Y/X. Les pages centrales (12-13) sont consacrées à un entretien avec le fondateur du laboratoire Y, qui porte son nom. Le cahier ne précise pas que le groupe Y a été condamné plusieurs fois à verser des dommages et intérêts à des patients ayant utilisé ses produits, qu’il fait actuellement l’objet de poursuites, informations essentielles qui auraient sans doute figuré dans un article totalement indépendant.

Dans ce cas comme dans mille, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur ce type de supplément, parfaitement légitime, pas plus que sur une émission de radio ou de télévision parrainée par une marque. Les médias vivent pour la plupart de « la bienfaisante publicité » comme le disait le fondateur du Monde, Hubert Beuve-Méry.

Entre pub « bienfaisante » et suspicion en légitimité et crédibilité

Mais deux questions peuvent être posées. La première : le lecteur (l’auditeur, le téléspectateur) est-il suffisamment et clairement averti que l’information qu’on lui livre est le résultat d’un parrainage ou d’un partenariat ? La seconde : le média et les journalistes assument-ils la responsabilité totale du contenu informatif et celui-ci est-il ou non influencé par le « sponsor » ? Dans le cas cité à titre d’exemple, la « collaboration » du laboratoire peut-elle être interprétée comme une co-paternité des articles, ce que tendrait à indiquer les folios ? Sur ces deux questions, c’est d’abord au public et aux journalistes d’apporter des réponses.

On notera pourtant que la question du parrainage, et plus généralement des transfusions osmotiques entre publicité et information, est suffisamment préoccupante pour que les dispositifs chargés de veiller à la déontologie de l’information, lorsqu’ils existent, s’en préoccupent. Car dès qu’il y a « collaboration » avec une source d’information, n’y a-t-il pas suspicion en légitimité et en crédibilité du journaliste et du média ? C’est pourquoi, par exemple, la charte de l’antenne de France Télévisions a défini précisément les conditions du parrainage (voir http://charte.francetv.fr/). Et le Conseil supérieur de l’audiovisuel sanctionne la « publicité clandestine ».

« Une claire distinction est essentielle »

Le Conseil suisse de la presse avait été saisi en 2006 par l’association de journalistes « Info en danger » sur « les dérives qui affectent l’activité des journalistes, notamment face aux annonceurs ». Après un long examen, ponctué d’auditions, le conseil avait pris position le 9 février 2007 (voir http://www.presserat.ch/). Il a estimé notamment qu’« une claire distinction entre contenu rédactionnel et publicité est essentielle pour la crédibilité des médias, quel que soit l’état des rapports de force entre éditeurs et annonceurs ».

Les principes sont connus. Dans la pratique, la vigilance du public, celle des éditeurs et des journalistes est sûrement souhaitable. Un conseil d’éthique et de médiation à la française aurait certainement à traiter de cette vaste question.

Yves Agnès, in Le Bulletin de l’APCP n°4




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