Archive pour le Tag 'colloque'

Une rencontre à l’Institut pratique du journalisme à propos de la « responsabilité déontologique » des journalistes

L’IPJ (Université Paris IX) organisait le 11 février une « rencontre autour du traitement médiatique » des attentats de janvier et des suites.

Nicolas Jacobs, le médiateur de France 2, a détaillé les sept reproches faits aux médias audiovisuels et a insisté sur les dangers engendrés par « l’information à très haute vitesse » en continu (France 2, par exemple, a produit en quatre jours 30 heures, « du jamais vu »). Deux « règles de base » doivent être dans les esprits : « ne pas mettre en danger des personnes » et « ne pas servir de haut-parleur à une quelconque propagande ». Le médiateur relève encore que pendant ces journées « les journalistes ont été aussi acteurs, avec inconsciemment un réflexe quasi militant » dû au premier attentat à Charlie Hebdo. Une attitude très différente de celle lors des attentats du RER en 1995, qui a conduit « peut-être sans le vouloir à stigmatiser telle ou telle partie de la population ».

L’avocate Angélique Lamy a indiqué que « l’on n’avait jamais autant interpellé la liberté d’expression » que depuis le début janvier. Pour la justice, le débat se situe « entre liberté d’expression et liberté de croyance ». Les tribunaux distinguent bien entre l’offense à la personne (« sentiment religieux ») et le blasphème (à l’égard d’une croyance) ; ils tiennent compte du contexte et ne statuent pas en équité, mais en droit. Au vu de la jurisprudence, il n’y a pas « deux poids, deux mesures », qu’il s’agisse de Charlie Hebdo, d’Eric Zemmour ou de Dieudonné… Slimane Zeghidour, rédacteur en chef à TV5 Monde, a axé son témoignage sur l’histoire compliquée des rapports France-Algérie (« L’islam de France est à 60% algérien »), qui selon lui permet de comprendre la tension permanente sur le sujet.

Pascal Troadec, adjoint au maire de Grigny (Essonne), a décrit le quartier de La Grande Borne (11 600 habitants), ses caractéristiques spatiales, humaines, structurelles et économiques (600 familles y vivent du trafic de stupéfiants…) : « Les journalistes qui y viennent sans contacts sont des éléments extérieurs générant méfiance et hostilité ». Et de conclure : « Vous avez une responsabilité déontologique : être équilibrés dans vos sujets et ne pas stigmatiser une population entière ». Y.A.

lire aussi ici sur le site de l’IPJ

Journalistes au front :« Une information ne vaut pas une balle… »

Les Entretiens de l’information ont organisé le 26 juin une « journée de réflexion » autour du thème « Informer sur les guerres de l’armée française ». Jean-Dominique Merchet (L’Opinion) a bien défini les différents rôles journalistique, en fait « trois métiers : reporter de guerre, suivi de l’actualité politico-militaire en France, et suivi de l’institution militaire elle-même », l’exemple de la féminisation des armées (15% des effectifs aujourd’hui) à l’appui.

Le deuxième métier est sans doute le plus ingrat, si l’on en croit les spécialistes. « Dans les rédactions, on ne s’intéresse qu’aux clichés : Bamako, c’est la libération de Paris, l’avancée des militaires c’est le Paris-Dakar, les opérations au Mali c’est la rémanence des djebels de la guerre d’Algérie », regrette Pierre Babey (ancien rédacteur en chef à France 3). Bruno Fanucchi (Le Parisien, président de l’Association des journalistes défense) renchérit : « Pour chaque reportage, il faut se battre pour partir. Lorsque sur le terrain on propose un sujet, un rédacteur en chef peut être intéressé, un autre non… quand on appelle d’Afghanistan, ce n’est pas très amusant ». Et Jean Guisnel (Le Point) enfonce le clou : « Maintenant, les rédactions veulent des gens qui sautillent d’un sujet à l’autre. Et si le papier n’est pas personnalisé, il n’a aucune chance de passer… »

Des relations professionnalisées

Pour les reporters sur le terrain – et particulièrement sur les opérations au Mali et en Centrafrique – être embedded (accompagner un détachement) ou pas ne paraît plus être un problème, comme lors de première guerre du Golfe. « C’est un mal nécessaire, mais les relations avec les militaires se sont professionnalisées depuis vingt-cinq ans, souligne Vincent Hugeux (L’Express). La clé est la clarté du contrat, le non-dit est générateur de toxines ». « Même dépendant totalement des militaires, comme moi à Gao, on peut avoir une autonomie de jugement » (Thomas Hofnung, Libération). « Sur le terrain, il ne faut pas montrer une proximité trop forte » (Claude Guibal, France Culture).

En Centrafrique, le lieutenant-colonel Thomas Mollard a encadré quelques 480 journalistes de tous pays en quatre mois. Son credo : respecter de part et d’autre un « pacte moral » ; « mon rôle est de vous permettre de faire votre métier ». Les journalistes confirment qu’il n’y a « aucun contrôle » sur le travail des envoyés spéciaux. Conclusion du patron de la Délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD) Pierre Bayle : « Les dernières opérations ont montré qu’on avait dépassé les incompréhensions ».

Jusqu’où prendre des risques ?

Question très présente chez les journalistes (comme chez les militaires et les responsables politiques). Nicolas Hénin, free lance : « J’ai maintenant peur de ce que je connais », le cauchemar d’une prise d’otages de dix mois en Syrie… Marc Semo (Libération) énonce un sentiment général : « Le grand changement, ce sont les prises d’otages ». Mais le risque est inégal : d’un côté les journalistes des grands médias qui peuvent y faire face, de l’autre, dénonce Stéphane Manier (membre du bureau de Reporters sans frontières) « la masse des indépendants, des occasionnels qui sont dans des situations extrêmement précaires et prennent des risques insensés ». Morad Ait-Habbouche a été de ceux-là, il dirige maintenant une petite agence et constate, amer, que les chaînes de télévision n’augmentent pas leur rétribution en fonction des risques. Alors il veut qu’on se pose « la bonne question : prendre des risques, pour quoi et pour qui ? » Lui répond : « Une information ne vaut pas une balle ». Y.A.

Les hésitations des éditeurs, principal frein à la création d’une instance de déontologie

Les débats organisés le  13 juin à la Sorbonne par l’APCP et Les Assisses du journalisme sur le thème « Créer une instance de déontologie, pourquoi ? comment ? » ont enregistré des avancées majeures vers la création d’un Conseil de Presse en France. L’analyse du président de l’APCP, Yves Agnès.

Si l’on en croit le secrétaire général du Conseil de Déontologie Journalistique de Belgique francophone, André Linard, la création d’une instance de ce type nécessite l’accord de la profession et une volonté politique consensuelle (lire notre bulletin page 6). Lorsque l’APCP s’est créée fin 2006, nous en étions aux antipodes ! L’existence d’un grand nombre de conseils de presse à l’étranger était inconnue, y compris parmi les dirigeants politiques.

Les hésitations des éditeurs, principal frein à la création d’une instance de déontologie dans Actualités ya-sorbonne-13-06-133-300x200

Yves Agnès (Photo Charlotte Bouvier)

C’était l’époque où des professionnels de premier plan vouaient aux gémonies un « conseil de l’ordre », une « police déontologique »… Où un journaliste du Monde pouvait affirmer péremptoirement que c’était une idée intéressante mais que « ça ne se fera jamais ». Oubliant au passage l’une des leçons d’un ancien grand directeur de ce quotidien, le regretté André Fontaine : « il ne faut jamais dire jamais ».

L’après-midi du 13 juin à la Sorbonne (1) a peut-être donné tort à ce « prédictionniste ». Les politiques, PS en tête, ont compris que la situation malsaine de nos médias et de l’information qu’ils diffusent est un danger pour la démocratie. Les journalistes, en tout cas leurs principaux syndicats, représentant près des neuf dixièmes d’entre eux, sont aujourd’hui engagés vers la création d’un organe de co-régulation profession / public, ou n’en refusent plus le principe, comme c’était encore le cas naguère.

Restent les éditeurs, plus que jamais divisés et repliés sur leurs catégories, voire leur « marque », selon le vocable en usage parmi eux. En 2008, une cinquantaine de personnalités des médias s’étaient engagées dans l’Appel que nous avions lancé (déjà avec Journalisme et Citoyenneté, organisateur des Assises du journalisme) en faveur d’une charte et d’une instance commune à tous les médias et tous les journalistes. Des personnalités comme Louis Dreyfus ou Laurent Joffrin n’hésitent pas non plus en 2013 à signifier publiquement leur accord. Mais leurs organisations syndicales ont bien de la peine à franchir le pas et à rejoindre celles qui ont compris l’enjeu vital d’une telle création.

Convaincre les partisans de l’immobilisme qu’ils n’on rien à perdre et tout à gagner ; que le « chacun pour soi » est suicidaire ; que ne rien faire collectivement pour signifier à leurs publics (dont la méfiance critique atteint des records) qu’ils ont été écoutés et entendus, procède d’un déni de réalité ; que l’avenir des médias professionnels se joue aujourd’hui, non pas titre par titre mais globalement… la tâche est urgente !

Les politiques peuvent y aider, majorité et oppositions confondues ; sur un tel sujet, comme ce fut le cas en 1935 pour le statut des journalistes, l’unanimité est requise. Nous attendons d’eux, en particulier du gouvernement, qu’ils jouent les facilitateurs. C’est ce qui s’est passé en Belgique francophone, lorsque la ministre de la communication, Fadila Laanan, a mis l’énergie qu’il fallait pour arriver aux solutions acceptables par tous et mettre d’accord les divers acteurs. Le mouvement est lancé. Y.A.

(1) Plus de 200 personnes s’étaient inscrites, la moitié sont venues participer, outre la vingtaine d’intervenants ; le premier colloque de l’APCP en juin 2009 à la Maison de la Radio avait rassemblé environ 70 personnes tout compris.

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