« Ces événements ont changé la France », déclarait le 5 février 2015 le président de la République. Mais alors, ne faut-il pas en tirer les conséquences, et commencer à agir concrètement en faveur de la liberté d’expression et d’information, qui a rassemblé pour sa défense des millions de citoyens le 11 janvier ?
L’action, après l’émotion et la réflexion, est sans doute le plus difficile. Surtout pour une profession – médias, agences, éditeurs et journalistes – trop divisée, trop repliée sur elle-même, avec la conviction qu’a chacun de détenir seul la juste voie, avec un brin d’arrogance aussi que le public lui reproche souvent. Pourtant, la société lui a confié une responsabilité majeure, à travers les lois de 1881 (liberté de la presse) et 1935 (statut spécial pour les journalistes), celle de faire vivre la liberté d’expression et d’information. Non à son profit, mais pour celui de tous les citoyens.
Que faire concrètement ?
Certainement pas brimer cette liberté (comme l’entreprend plus que maladroitement le CSA), mais la renforcer grâce à un organisme mixte profession – public, indépendant, chargé explicitement du respect de cette liberté, fondement de toute pratique journalistique emprunte d’éthique. Sur le plan international, on appelle cela un « conseil de presse », il y en a une vingtaine au sein de l’Union européenne, bien davantage au-delà. Dans leurs statuts ou leurs codes déontologiques, ce devoir est souvent explicite[1]. L’APCP, et pas seulement elle, milite pour la création d’un tel organisme.
Le gouvernement de la République, chargé d’œuvrer pour l’intérêt général au nom des citoyens et en leur faveur, a appuyé à l’automne (par la voix du ministre de la culture et de la communication Fleur Pellerin) ceux qui pensent qu’il est nécessaire d’agir dans cette direction. Ne doit-il pas aller plus loin et, comme notre association le lui a demandé, jouer les médiateurs et les rassembleurs pour sortir enfin du blocage où nous enlisent une minorité d’organismes professionnels ?
Après la journée du 11 janvier, ce moment fort et pourtant éphémère d’union, ne rien faire serait non seulement irresponsable, mais une preuve supplémentaire de la faiblesse collective et de la division anachronique des médias français. Accomplir ce geste fort serait au contraire le signe visible que l’appel du 11 janvier a été entendu. Yves AGNÈS
[1] Nous l’avons vérifié avec des conseils de presse de pays aussi différents que la Belgique francophone, la Catalogne, Chypre ou la Nouvelle-Zélande, pour ne citer qu’eux.
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