Un conseil de presse rend des avis. Il donne une appréciation sur le respect des règles déontologiques qui ne s’impose pas aux parties avec la force d’une décision de droit. Celles-ci peuvent l’ignorer, et malheureusement certains médias ne s’en privent pas en renouvelant toujours les mêmes entorses à la déontologie. Mais pour qui joue le jeu – plaignants et défendeurs – ces avis peuvent-ils être contestés ? Y a-t-il une possibilité de révision, d’appel pour employer un terme juridique qui a le mérite de la clarté ? L’AIPCE* (Alliance des conseils de presse indépendants d’Europe) a récemment interrogé ses membres sur ce point.
La recevabilité d’une plainte par un conseil de presse n’est pas automatique. Tous ont des règles qui définissent leur champ de compétences et les critères de recevabilité. C’est donc le refus d’un dossier qui est la première opportunité d’appel. C’est celle que l’on retrouve le plus dans les règlements intérieurs, la décision de retenir ou pas un dossier étant le plus souvent le fait du secrétariat général ou du seul président de l’instance. Ainsi, le Conseil de presse australien prévoit la possibilité de demander une seconde lecture d’une saisine refusée si une erreur grave de procédure a eu lieu.
Souvent le conseil de presse intervient comme une deuxième instance, après intervention d’un médiateur. C’est le cas dans les pays nordiques, par exemple en Suède où les avis du PressOmbudsman national peuvent être contestés devant le conseil de presse. D’autres, comme le Press Council of Ireland sont plus restrictifs et prévoient qu’un « simple désaccord avec la décision de l’Ombudsman ne peut être un motif d’appel ». Il faut qu’il y ait eu erreur de procédure, ou dans l’application du code éthique ; surtout que de nouveaux faits soient apparus. Ici, le délai de saisine d’une décision du médiateur est de 7 jours à 4 semaines.
Les demandes de révisions sont rares
Le réexamen d’une décision du conseil de presse lui-même est plus rare. Il suppose le plus souvent un élément nouveau. Le Raad voor de Journalistiek néerlandais l’autorise depuis 2010, uniquement si le demandeur peut démontrer que la première décision se fonde sur des faits « considérés à tort comme certains ou possibles ». En cas de second examen, le conseil doit avoir une composition différente de celle qui a siégé la première fois. Mais la possibilité de révision n’est pas la règle systématique. Le Conseil de déontologie journalistique belge francophone y a renoncé après débat en 2013, parce que « nous ne sommes pas un tribunal et nous n’avons pas le pouvoir d’imposer des sanctions », explique alors son secrétaire général André Linard, qui précise cependant que le CDJ se réserve la possibilité de rouvrir un dossier lorsque des éléments matériels nouveaux le justifient. Ce doit être « l’évidence d’informations erronées », écrit par exemple le Julkise sampan neuvosto finlandais.
Les conseils de presse qui le proposent ne sont pas submergés de demandes de révision. Le Vijece Za Stampu bosniaque, où cette possibilité est largement ouverte, souligne qu’en quinze ans d’existence il n’y a eu que deux cas. Tous les conseils de presse qui ont prévu des procédures de révision plus ou moins généreuses font le même constat. Signe sans doute que lorsqu’un conseil de presse indépendant est installé et accepté comme régulateur éthique des médias, ses avis ne sont pas contestés. Pierre GANZ
* L’AIPCE regroupe plus d’une cinquantaine d’instances, dont treize hors d’Europe associées à ses travaux. La prochaine assemblée annuelle aura lieu du 7 au 10 octobre 2015 à Vienne (Autriche).
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