Lorsqu’on évoque la création d’un conseil de presse, une des réflexions régulièrement entendue est celle de la représentation du public, et de la pertinence de leur présence. L’APCP a voulu faire à nouveau le point. Elle a adressé au début de l’été un questionnaire aux membres de l’AIPCE (Alliance des conseils de presse indépendants d’Europe) et à ses correspondants non européens. La lecture des dix-sept réponses reçues fin septembre apporte une confirmation – l’apport positif des représentants du public au fonctionnement et à l’image des conseils de presse – mais montre qu’il n’y a pas de voie royale pour leur désignation.
L’effectif de ces conseils de presse varie de 8 à 50 membres : 8 sièges au Danemark, également répartis entre journalistes, éditeurs, juristes et représentants du public, et 50 en Russie où les représentants du public, choisis parmi les membre d’ONG, de partis politiques, et d’organisations de la société civile, se taillent la part du lion avec 24 sièges (un 25ème est attribué à un représentant du gouvernement). Le public n’est majoritaire par rapport aux professionnels – journalistes et éditeurs – que dans 5 instances sur 17, mais est majoritaire dans le comité des plaintes dans le CP québecois. Les mandats durent de 2 ans au Québec à 6 ans en Suède et sont partout de même durée pour tous les collèges. Un seul conseil, celui d’Allemagne, ne comprend pas de représentants du public, mais invite parfois des « experts » à participer à l’analyse de cas précis.
Au delà de ces statistiques qui n’ont qu’une valeur indicative compte tenu du nombre limité des réponses, l’APCP espérait des pistes de réflexion sur le choix des représentants du public. Aucun mode de désignation ne s’impose. Il y a appel public à candidature dans sept pays. Ailleurs, les postulants se font connaître spontanément ou sont proposés par des institutions ou associations. Les structures – association, fondation – qui chapeautent les conseils de presse sont le plus souvent chargées de les désigner.
Concernant les critères de candidatures on ne peut tirer de conclusion générale. Les postulants doivent être des personnalités publiques intéressées par ces questions, donc en théorie « n’importe qui », dit le conseil de presse norvégien. Outre la connaissance ou l’intérêt reconnu pour les médias, la connaissance du droit ou la capacité à rédiger des avis juridiques sont des critères cités dans les réponses. Mais ce qui prévaut est le bon sens, l’ouverture d’esprit, les qualités morales. Les exclusions définies sont plus parlantes que les critères exigés pour être désigné : pas d’officiels gouvernementaux (Azerbaïdjan, Royaume-Uni), pas de militants politiques (Belgique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), pas de personnes impliquées dans les médias (Belgique, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas).
L’unanimité se fait enfin sur l’intérêt de la présence du public. L’idée la plus souvent exprimée est qu’il contribue à « accréditer l’indépendance » du conseil de presse et à « crédibiliser [s]es décisions ». Plusieurs réponses à notre questionnaire témoignent que ses représentants « apportent d’autres perspectives dans les discussions », « différentes de celles des professionnels et des experts », bref « qu’ils enrichissent les débats » voire qu’ « ils défendent (généralement) mieux le droit du public à l’information ». Ils sont perçus comme l’antidote aux tentations corporatistes dans la réponse aux plaintes du public. A noter le brassage organisé en Suède, où les 32 membres sont répartis en deux groupes de 16 recomposés tous les 6 mois pour que les gens de différents horizons travaillent ensemble sans s’installer dans des postures.
Cette enquête, si elle n’apporte pas de révélations, confirme les choix de l’APCP. Elle sera à compléter avec les retours des courriers sur le même sujet adressés en juillet à plus de cinquante associations françaises de consommateurs, usagers, parents d’élèves… Pierre GANZ
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